Les enfants clowns: les sentiments cachés
Auteur : Jacques Salomé
Il était une fois… dans la même cour d’école d’une école de ce pays, trois enfants qui passaient tout leur temps à faire les clowns.
Comme disait l’instituteur aux parents : « Ils ne savent faire que ça ! »
Je ne sais si vous le savez, vous qui me lisez ou m’écoutez, mais dans un enfant qui fait le clown, il y a deux enfants qui se cachent : un enfant triste et un enfant joyeux ou apparemment joyeux, qui sert justement à cacher l’enfant triste.
Vous allez me demander, car votre curiosité est insatiable : « D’où vient-elle cette tristesse qu’il y a chez l’enfant triste qui se cache derrière l’enfant qui fait le clown, qui fait des bêtises pour faire rires les autres ? »
Parce que, vous l’avez remarqué, l’enfant-clown ne rit pas tellement au fond, il fait rire les autres, ça oui ! Ça fait même rire l’institutrice ou l’instituteur, mais pas toujours !
D’accord, un enfant-clown dit des choses drôles, il sait mimer, il sait jouer avec les mots, il sait faire le chat ou imiter un éléphant qui dort, ou le directeur qui vient rappeler d’une voix grave et désolée qu’« après avoir fait caca, il faut tirer la chasse d’eau… » ou que « ça ne sert à rien de chauffer une classe si on laisse ouvertes les fenêtres de cette même classe… ». Mais ne nous égarons pas.
Vous m’avez bien demandé d’où vient cette tristesse qu’il y a chez l’enfant triste qui fait le clown. D’abord, je dois vous dire qu’elle vient de très loin. En fait, elle vient du fin fond de son enfance.
Paul, par exemple, fait toujours le clown en se moquant des manières des autres et imite tout ce qui passe à sa portée. Comment sait-il, cet enfant-clown, que son père était un enfant triste ? Un enfant silencieux, toujours au bord des pleurs, replié sur lui-même… Même si aujourd’hui, son papa est « capable de casser la gueule à n’importe qui, hein ! ».
Et Georges, un autre enfant-clown, comment sait-il que sa maman a vécu il y a très longtemps une grande tristesse dont elle n’a jamais pu parler ? Tristesse que Georges a bien entendue… Et c’est pourquoi il fait le clown.
Et pour le troisième de la bande, comment a-t-il deviné qu’il n’avait « pas le droit » d’être triste, qu’il devait toujours faire comme si tout allait bien ? À qui ferait-il de la peine s’il osait être triste ?
Ce qui est sûr, voyez-vous, c’est qu’aucun de ces trois enfants-clowns n’a reçu de témoignage de l’un de ses parents… aucun. Cependant, chacun à sa façon a entendu leur tristesse et a tenté de dire l’indicible.
Là où des enseignants, des parents ne voient qu’un garnement faisant le pitre, il y a toujours un enfant méconnu, masqué, qui tente de révéler le possible d’une autre réalité.